Hazard - Griezmann: les ailes du défi
Les deux attaquants seront les grandes attractions d’une Liga qui veut reprendre sa place au sommet du foot européen.
- Publié le 09-08-2019 à 19h38
- Mis à jour le 11-08-2019 à 17h43
Les deux attaquants seront les grandes attractions d’une Liga qui veut reprendre sa place au sommet du foot européen.
Six ans. Cela faisait six ans que la Ligue des champions n’échappait plus à un club espagnol. Mais voilà, souvent moqué pour son approche tactique foutraque et ses transferts farfelus, le foot anglais s’est rebiffé, plaçant quatre de ses représentants en finales de la C1 et de l’Europa League, laissant ainsi les géants espagnols à leur reconstruction.
Comme souvent en pareil cas, celle-ci s’est lancée à coups de millions : 300 pour le Real, 250 pour Barcelone. Si le club catalan avait déjà dépensé plus il y a deux ans (quitte à récupérer 222 millions d’un coup grâce à Neymar, autant se faire plaisir), le Real a quant à lui explosé son record, en claquant 300 millions en un peu plus d’un mois de mercato.
À la décharge des deux rivaux espagnols, il fallait bien ça pour attirer Eden Hazard et Antoine Griezmann. Alors qu’aucune fumée blanche n’est encore apparue dans le dossier Neymar (que l’on cite toujours tant en Castille qu’en Catalogne), ce sont bien le Belge et le Français qui sont les principales recrues d’une Liga qui doit retrouver ses lettres de noblesse, après avoir vécu dans l’ombre du superbe duel Liverpool - Manchester City.
Hazard : le rêve accompli
"C’est un rêve de gosse de jouer dans ce club." Qu’a-t-il bien pu se passer dans la tête d’Eden Hazard au moment d’être présenté devant 50 000 fans merengues ? Sans doute s’est-il revu gamin, rêvant des exploits de Raúl et autres Zinédine Zidane. Ou arborant le maillot français de son coach, entouré de ses frangins. Qu’importe, même si elle avait un peu bégayé en 2018 (on s’attendait à le voir quitter Chelsea l’été dernier, dans la foulée de sa monstrueuse Coupe du monde), l’histoire était en marche ce jour-là.
Sauf que la préparation a quelque peu douché ce bel enthousiasme. Taillé par la presse espagnole pour ses kilos en trop (jusqu’à sept selon Sport et El País), emprunté sur le terrain malgré une entrée en matière intéressante contre le Bayern et surtout peu efficace (un seul but, contre Salzbourg, une seule passe décisive), les premières semaines du Diable à la Casa Blanca ont été quelque peu mouvementées.
Pourtant, il est celui qui est censé ramener un peu de pétillant au sein d’un collectif qui en a cruellement manqué la saison dernière. Si Karim Benzema a planté son quota de buts, personne au sein de l’attaque madrilène n’a répondu aux attentes. Allez, si : un peu Vinícius Júnior, mais il était impossible pour ce gamin de 18 ans de porter sur ses seules épaules toute la division offensive du triple champion d’Europe en titre.
Cette tâche, ce sera celle du Brainois, qui a battu son record perso en matière d’implication dans les pions mis par Chelsea lors de son ultime année chez les Blues (21 goals, 17 assists). Une donnée importante quand on sait que son nouveau club n’a inscrit que 1,9 but par match toutes compétitions confondues la saison dernière, loin de la moyenne de 2,7 marqués durant les deux ans et demi du premier mandat de Zidane à Madrid.
Au-delà du chiffre, Eden est là aussi pour vivifier un jeu devenu lénifiant en 2018/2019. Ni Julen Lopetegui, ni Santiago Solari n’ont réussi la mue post-Zizou. Pas même le Français, en réalité, tant la fin de championnat sous sa houlette s’est révélée laborieuse elle aussi (1,55 point pris par match, contre 2,3 depuis ses débuts en janvier 2016). Excellent dribbleur, avide d’espaces et de liberté(s), Hazard n’est pas un copycat de Cristiano Ronaldo, l’ancien monsieur buts du Real. Il est plus un ouvreur de brèches, dont pourrait profiter la Benz, qui lui a déjà fait forte impression, avec notamment ce triplé collé à Fenerbahçe. Un joueur avec lequel le nouvel arrivant semble s’entendre, tant sur le pré qu’en dehors.
"Il sait créer des différences et est très complet : il a le pied gauche, le pied droit, du dribble, de la vitesse", disait de lui à DAZN un certain Andrés Iniesta, confiant dans la capacité du Brainois à réussir au Bernabéu.
Effectivement, ce qu’il a montré lors de sa dernière pige à Londres le confirme, il était temps qu’il franchisse ce cap qui le maintenait toujours hors du top absolu. Mais pour cela, il faudra qu’Eden réussisse à rentrer dans le costard de Galactique. Sans vouloir faire de jeu de mots sur son supposé surpoids, évidemment…
Griezmann : le Bleu de travail
Si l’arrivée d’Hazard à Madrid s’est déroulée sans heurt, il n’en va pas de même pour celle d’Antoine Griezmann, débarqué pour 120 millions d’euros sur fond de polémique. L’Atlético prétend en effet avoir les preuves que son désormais ex-joueur était en pourparlers avec les Blaugranas avant que sa clause libératoire ne passe de 200 à 120 millions d’euros. Une sacrée différence financière, qui laisse planer l’ombre d’une sanction pour le joueur (suspension) et le Barça (interdiction de transferts).
Et qui fait inévitablement peser une pression supplémentaire sur les épaules du champion du monde. Qui doit en plus se montrer à la hauteur de ses paroles prononcées en fin d’année dernière ("Je suis à la même table que Messi et Ronaldo").
En a-t-il vraiment les épaules ? "Quand un mec parvient à ce que toute une équipe s’articule autour de son cerveau, cela a une valeur inestimable", expliquait Diego Simeone, celui qui a transformé le Mâconnais en un avant de classe mondiale. "Quand Antoine est lucide et dans une bonne forme physique, il n’y a aucun joueur au monde capable de comprendre et d’interpréter le foot comme lui", poursuivait-il dans France Football.
Non, Griezmann ne sera jamais un extraterrestre à la Lionel Messi. Ou une machine à buts à la Cristiano Ronaldo. Mais il peut être l’organisateur d’une équipe quelque peu livrée à elle-même depuis le départ d’Iniesta au Japon (surtout qu’on ne peut pas dire qu’Ernesto Valverde ait créé un cadre tactique ultra-élaboré). Si La Pulga gardera inévitablement le leadership sur le pré, Grizi peut s’avérer être un excellent lieutenant, capable d’épauler l’Argentin dans sa mission de reconquête européenne.
Comme un symbole de cette mutation, le Français devra sans doute faire un pas de côté. Sur la gauche, comme de son temps à la Real Sociedad, laissant ainsi le flanc droit à Messi et l’axe à Luis Suárez. Ou à droite, si Neymar venait finalement à rejoindre Barcelone, avec le sacrifice de l’Uruguayen pour laisser Leo s’amuser au centre de l’attaque.
Messi, un rival devenu équipier avec lequel il pourrait aisément permuter dans l’axe, lui qui a passé les cinq dernières saisons à ce poste."Mais pourquoi voudrait-il jouer sur l’aile s’il est rapide, très à l’aise dans l’axe, bon de la tête et doté d’une très belle frappe ? Pourquoi voudriez-vous le faire jouer sur un côté ?" renchérissait El Cholo dans les colonnes du quotidien argentin La Nación.
Et pourquoi pas l’axe, au final ? Après tout, c’est dans ce registre qu’il a joué 80 minutes contre Arsenal en amical. Avec plus ou moins de succès, il est vrai. Car être l’élément le plus axial d’un 4-3-3 n’est pas la même chose que de se retrouver dans cette position dans le 4-4-2 ultra-tactique de Simeone.
"L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement", disait le physicien Stephen Hawking. S’il veut rejoindre les étoiles, Grizi devra ressortir sa meilleure arme : son cerveau.